Du rôle du Corporate Venture dans l’Open Innovation
Définition du Corporate Venture
C’est l’investissement des fonds de l’entreprise directement dans les entreprises de démarrage externes (start-up) dans le cadre d’une démarche stratégique de développement et dans le cadre de projets innovants.
Une activité à part entière
La création d’un fonds Corporate Venture est naturellement très tentante pour les tenants de l’innovation des grandes entreprises : bon pour l’image du groupe (autant en interne qu’auprès de sa filière) ; excellent pour importer des innovations et s’assurer de leur développement dans la direction souhaitée ; et de potentielles plus-values à la clé. Mais bien que les sujets soient connexes – innovations et start-up – les métiers du financement diffèrent fondamentalement de ceux de l’open innovation : compétences, jargon, règles du jeu, et surtout objectifs de rentabilité financière…
Richard Biquillon, fondateur de Yoomap, prévient :
"C’est un vrai métier. On ne s’improvise pas VC : certains grands comptes choisissent d’abord un accompagnement par des gestionnaires de fonds installés, puis éventuellement internalisent la démarche en embauchant des spécialistes. "
On voit ainsi cohabiter plusieurs modèles : du partenariat avec un fonds existant, à la création d’un fonds 100% maison, en passant par la sous-traitance de la technique financière, ou encore le « multi-corp » où plusieurs grandes entreprises mutualisent risques et deal-flow.
Mettre l’Open Innovation et le Corporate Venture en synergie
Reste qu’en s’adossant à un grand groupe, les start-up rêvent de bons de commandes. Est-ce vraiment le rôle du Corporate Venture d’accompagner les jeunes pousses dans les arcanes de la maison « mère » ?
Pas certain… La solution consiste donc à s’appuyer sur une Open Innovation en pleine forme. Avec son réseau interne de collaborateurs « start-up friendly » (métiers, R&D, achats, PI…), prêts à participer activement à l’essor commercial de la jeune pousse ; ses outils dédiés (un SURM par exemple) ; des procédures éprouvées ; et bien sûr un leadership fort, cohérent, et assorti d’une communication claire. Richard Biquillon ajoute :
"Les équipes Open Innovation peuvent aussi être mises à contribution en amont des investissements, lors des due diligences, car elles manient quotidiennement les métriques de valorisation des jeunes pousses (ndlr : voir notre article sur la qualification des start-up) et ont accès aux besoins formalisés des métiers."
Alors ? Prêts pour la Corporate (a)Venture ?
3 questions à Nadine Alibert-Frégeac, Venture Corporate Manager, Renault
Renault a conclu un partenariat de sourcing avec un fonds au succès établi : Partech Ventures, célèbre fonds international avec plus de 850 M€ en gestion. Cette approche permet au constructeur automobile de répondre à un double objectif financier et de veille stratégique sur son secteur. Ainsi, Renault prend pied en douceur dans le monde du financement tout en bénéficiant d’un volume de contacts très important avec des startups (plusieurs centaines de dossiers étudiés chaque année).
Comment Renault se lance-t-elle dans l’open innovation et le corporate venture ?
Il s’agit d’abord de pousser efficacement l’innovation à l’échelle de toute l’entreprise. La démarche est donc portée par la Direction de la Stratégie du Groupe, et s’intéresse de facto à des sujets plutôt en amont et structurants, typiquement le véhicule autonome et le véhicule connecté. Concrètement, nous avons choisi fin 2014 d’investir significativement dans certains fonds de Partech Ventures. Notre objectif à court terme était d’accéder hebdomadairement à leurs deal-flows et ainsi identifier des contacts de startups innovantes avec lesquelles nous faisons des expérimentations, voire du business pérenne sous forme de partenariat.
Quel retour pouvez-vous partager ?
Cela commence à bien fonctionner ! En 1 an, nous avons analysé plus de 2000 start-up avec Partech Ventures, qui ont conduit à 6 POCs en 2015, et déjà 4 pour le premier trimestre 2016. Nous étudions également un premier investissement en direct. Ce partenariat avec Partech Ventures est même devenu notre premier « fournisseur de startups ». Côté financier, nous commençons également à maîtriser les métriques de l’activité, par exemple : le taux d’investissement de Partech Ventures est de 1 start-up sur 100 analysées.
Quels sont d’après vous les clés du succès d’une démarche Corporate Venture ?
Cela dépend bien entendu des objectifs de l’entreprise. Mais il faut à mon sens trois fondations : un pilote métier, des process internes pour communiquer et pour décider, et d’un outil comme le SURM. Pour Renault, le Corporate Venture s’entend plus largement que la simple prise de participation financière. Nous n’apportons pas que de l’argent mais une série de « boosters » pour la réussite de la start-up investie : expertises métiers, accès à des moyens d’essai, et surtout accès au marché. Nous définissons avec ces startups le meilleur mode de collaboration qui assure aux deux parties un fonctionnement win/win. Ces process et outils sont déjà câblés par les équipes open innovation depuis le début de l’année.