Du rôle des Ressources Humaines dans l’Open Innovation…
Comme nous le disions dans notre article sur le leadership de l’Open Innovation, nous nous étonnons de n’avoir quasiment jamais rencontré de démarche « … Open Innovation portée par les ressources humaines, qui seraient pourtant tout à fait légitimes pour s’en emparer et insuffler la démarche dans l’entreprise ». Et si nous creusions un peu ce sujet ?
Une génération pour passer de la technologie à la culture
L’un des marqueurs les plus forts de l’innovation du 21è siècle est sans conteste sa dimension digitale. Sans trop schématiser, la première révolution fut technologique, avec l’arrivée massive de l’internet dans les foyers et les entreprises au début des années 2000. On avait l’outil et ses fonctionnalités principales, mais il aura fallu une bonne dizaine d’années pour que les usages s’affinent et s’imposent.
La deuxième révolution fut donc « applicative », et théorisée par des méthodologies comme le Lean Startup ou le Design Thinking. « Nous vivons actuellement les prémices de la troisième révolution, celle des mentalités, avec toute une génération qui n’aura plus besoin des méthodologies actuelles tant la démarche lui semblera normale, naturelle, évidente » analyse Richard Biquillon, fondateur de Yoomap, avant d’ajouter « mais cela sera parfois douloureux et compliqué car il s’agit d’une mutation radicale : résistance au changement, conflits intergénérationnels, conceptions du travail différentes… Si cela n’est pas un sujet pour les RH ! ».
C’est bien la sociologie… mais on fait comment concrètement ?
Saluons en préambule le fait que de nombreuses grandes entreprises pratiquent l’Open Innovation non seulement pour générer des co-innovations, mais aussi (et parfois surtout) pour insuffler les méthodes de travail et l’esprit des start-up chez leurs équipes. Suffisant ? Pas certain… mais l’écosystème RH propose déjà de nombreuses offres opérationnelles. « Pour Carrefour, nous avons systématisé la démarche : leurs futurs dirigeants sont détachés pendant 3 mois dans une start-up ! Et ils en mesurent déjà les bénéfices » explique Matthis Pierotti (voir notre encadré), Chief Marketing & Sales d’OSCARh une start-up spécialisée dans les ressources humaines, dont le métier consiste à marier jeunes-pousses et grands groupes en leur proposant de « partager » leurs collaborateurs pour brasser les équipes, les compétences, les idées.
Autre concept, celui de « 365 Talents », dont la plateforme RH « intelligente » est capable de cartographier et mobiliser en temps-réel tous les talents d’une entreprise grâce au big data. Un outil utile pour maximiser les chances de succès (et donc d’acceptation) des méthodes de travail collaboratif. Vous en voulez encore ? Découvrez le « Lab RH » une association qui s’est donnée pour mission d’accélérer la transformation numérique des RH, notamment avec son projet Open RH, qui ambitionne de connecter toutes les solutions digitales du secteur… Bref, plus d’excuses : les sciences humaines et sociales vont bel et bien profiter de la révolution numérique !
À vous de jouer !
Un timing favorable. Un écosystème dynamique. Que faut-il de plus pour que l’Open Innovation prenne pleinement sa place chez les RH ? « Simplement s’en emparer ! » propose Richard Biquillon, « de plus, les démarches d’innovation – open innovation et innovation participative – ont pour point commun de se prêter difficilement aux métriques de performances quantitatives. Or les spécialistes des RH excellent justement dans la mise en œuvre et l’évaluation de dispositifs basés sur l’humain. Certes, il leur faut se former pour appréhender parfaitement les métiers de demain, mais ils maîtrisent déjà les fondamentaux : transversalité, temps longs, psychologie… ». Alors, gens des RH, prêts pour le putsch ?
3 questions à Matthis Pierotti, Chief Marketing & Sales d’OSCARh.
Quelle est la mission d’OSCARh ?
On nous décrit parfois avec malice comme le Tinder des start-up et grands groupes ! Notre métier consiste à identifier les jeunes-pousses idéales pour recevoir des talents de grandes entreprises pour des expériences (de 3 semaines à 6 mois) du type « Vis ma vie d’entrepreneur ». Notre modèle crée de la valeur pour les trois acteurs : le talent lui-même, qui découvre et s’approprie de nouvelles méthodes de travail, la culture de l’agilité, ou encore de nouvelles façons de penser les métiers ; la start-up, qui profite d’une expertise précise et utile pour accélérer sa croissance, et a l’opportunité d’entamer une relation de partenariat avec un groupe qui partage les mêmes ambitions ; et enfin la grande entreprise, qui optimise l’employabilité numérique de ses collaborateurs, les transforme en futurs « avocats du changement », et booste son attractivité en réinventant ses parcours de carrière.
Qu’avez-vous mis en place pour Carrefour ?
L’idée générale est de stimuler très tôt, dès leur embauche, l’esprit intrapreneurial des « graduates » du groupe (ndlr : jeunes diplômés à haut potentiel) destinés à diriger des business units ou des projets digitaux. Pour la première promotion, 13 d’entre eux ont passé 3 mois à plein temps dans des jeunes pousses différentes, dont la moitié dans le « retail », les autres étant chargés d’aller explorer d’autre modèles ou secteurs, comme l’économie sociale et solidaire ou la green tech.
Quels ont été les apports concrets de l’immersion en start-up ?
Depuis leur retour, les jeunes diplômés disent pratiquer un management plus ouvert, plus proche, plus simple, avec plus d’écoute du terrain, et plus de travail collaboratif. Bien sûr, une grande entreprise doit appliquer des procédures relativement encadrées, mais infuser l’esprit « lean start-up » semble bien fonctionner, et les méthodes sont désormais utilisées au quotidien par les talents que nous avons placés. Certains ont aussi gardé contact pour co-construire des projets avec leur start-up hôte. Par exemple, avec Agripolis, qui lance la première ferme urbaine adossée à un supermarché : les fruits et légumes produits seront vendus sur place, en plein Paris ! Ces premiers résultats ont convaincu Carrefour d’étendre la démarche à des cadres plus expérimentés, qui iront passer 3 semaines dans des start-up d’horizons et de métiers variés.